« Je n’ai pas de table pour l’instant, si vous voulez patienter quelques minutes… » Sur les murs du salon de thé, les affiches des années passées côtoient les spectacles de la semaine. Les tables ont été rapprochées, on mange au coude à coude. Le serveur, son plateau au bout du bras, se fraie un chemin entre fauteuils, chaises et canapés dépareillés, dans l’encombrement des bonnets, écharpes, manteaux et parapluie qui s’entassent. Une fine buée s’étend sur les vitres. « Tiens, on dirait qu’il neige. » « Combien de temps, à votre avis ? » « 10 minutes, ¼ d’heure, je ne peux pas mettre les gens dehors. » A mesure que la buée descend, les conversations s’animent. Dans la file d’attente, un homme se penche sur une assiette de tourte aux épinards. « Vous voulez goûter ? » Courant d’air, la porte se referme, les nouveaux arrivants s’ébrouent, tapent leurs souliers couverts de neige contre le parquet. « Si on essayait l’Américain au coin de la rue ? » Entre les clients qui patientent, slaloment les assiettes qui reviennent de la table des desserts ; une montagne de meringue dorée se promène, bringuebalante, sur une part de tarte au citron. « Si vous voulez bien me suivre. » « Dis donc, qu’est-ce qui tombe… » Dans la cour de l’immeuble, un petit arbre dénudé recouvert de neige tape du bout de ses branches contre la vitre blanchie.
texte Eugénie Rambaud
2 Comments
Superbe, j’adore cette ambiance d’hiver ! beau texte, beau dessin : parfait !
Dans le mille, émile. Il ne manque plus que le brouhahas en fond sonore !