« Italie Deux » change de look et c’est l’agence ID deux Points qui le fait savoir avec mes parisiennes.
« Italie Deux » change de look et c’est l’agence ID deux Points qui le fait savoir avec mes parisiennes.
« Excusez-moi… »
Elle reconnut la voix avant de voir son visage. Il se frayait un chemin entre les corps compacts des voyageurs, jouant des coudes pour s’extirper de la masse et se laissa tomber, le visage rougeaud, sur la banquette en face d’elle. La barbe, pensa-t-elle. Mais comme leurs regards se croisaient, les traits de son visage se détendirent et elle sourit. L’autre rougit, sourit gauchement et plongea le nez dans son livre. Elle eut une seconde de stupéfaction. D’instinct elle chercha son reflet dans la vitre. Le sac sur les genoux de son voisin l’empêcha de se voir. Etait-ce possible? Il ne l’avait pas reconnue. Elle se laissa aller contre le dossier de la banquette. Elle avait gardé de lui un souvenir très précis – le visage rond, les trait épais, les yeux bleus, les cheveux blonds, seule la calvitie, naissante à l’époque, avait sans doute un peu progressé. Elle-même avait coupé ses cheveux, maigri un peu, pris quelques rides peut-être – cinq ans… Deux ou trois fois il jeta par-dessus son livre un coup d’oeil furtif, de curiosité vague. Il dévisageait une inconnue. Elle respira profondément. Le métro sortit du tunnel et roula au-dessus de la gare de l’Est. La nuit bleue de Paris était constellée de rectangles jaunes sur lesquels dansaient des silhouettes noires. Pour lui, elle pouvait être n’importe qui. Elle pouvait habiter l’un de ces appartements qui ont vue sur le Sacré Coeur, être une étudiante étrangère en visite à Paris, vivre seule avec trois chats, avoir une boutique de harpes médiévales, parler le swahili, être mariée à un officier de marine et avoir cinq enfants. Elle pouvait être enceinte. Le métro s’arrêta dans une secousse, elle se leva pour descendre, il poussa ses genoux pour la laisser passer. Soudain une rougeur envahit son visage, ses yeux s’agrandirent légèrement, il ouvrit la bouche pour dire quelque chose et tendit la main – trop tard. Elle était partie.
texte Eugénie RambaudLa grille était tirée devant la porte de la modiste. « Revenez à 14h », disait un écriteau manuscrit. Elle s’est laissé tomber sur une chaise de jardin qui se trouvait là. Au bout de l’impasse, le soleil rebondissait gaiement sur la carrosserie d’une petite voiture rouge vif. Un souffle d’air soulevait mollement les feuilles de vigne courant le long d’une treille. Trois tables dépareillées formaient le mobilier de ce salon de jardin improvisé entre une bijouterie et une galerie d’art. Elle avait apporté sa robe de soie noire, si légère qu’elle tenait dans son sac à main. Elle imaginait une voilette discrète, quelque chose de sobre, un chapeau cloche, pourquoi pas deux petites ailes en résine argentée repliées des deux côtés de la tête ? Ses doigts jouaient avec les fines boucles châtains qui lui habillaient les tempes. De temps en temps le moteur d’une voiture rompait un silence de mi-journée, le bruit d’un pas qui croissait et décroissait sur le pavé. Il ne venait personne : elle s’est approchée de la vitrine et a pressé son visage contre la grille. Dans la pénombre, des formes rondes sommeillaient, accrochées au mur, leurs couleurs noyées de gris. « Je peux vous aider ? » Elle s’est retournée précipitamment. « Oui, non, pardon… » Voilà qu’elle rougissait. « C’est pour un chapeau ? » La jeune femme bienveillante sortait un trousseau de clefs et s’en prenait à la grille. « Je vous en prie, entrez. » La lumière du jour s’accrochait aux chapeaux suspendus, en éveillait les teintes. Elle a donné du pied contre un chapeau de bois. Sous la table, des formes de bibi, de haut-de-forme, de panama s’entassaient pêle-mêle. « J’allume les plafonniers, on y verra plus clair… » Dans la pièce soudain illuminée, deux ailes de tulle blanc ont pris leur envol sur la tête d’un mannequin de tissus. Elle s’est avancée jusqu’au fond de la boutique, où souriait un désordre d’atelier de confection. Un miroir lui a renvoyé son reflet et le regard de la modiste. « Alors, dites-moi tout. » Fouillant dans son sac, elle a sorti la petite robe noire. La créatrice s’en est emparée. « Ravissant. La robe est simple, on peut tout inventer pour le chapeau. De quoi avez-vous envie ? » La jeune cliente a jeté un regard circulaire à la boutique, et, poussant un long soupir de satisfaction, a envoyé promener la discrétion.
texte Eugénie Rambaud
La première illustration d’une série à venir pour « chapeaux Fleurelle » des créations
d’une jeune modiste parisienne. Sa boutique à croquer se trouve au Village Saint Honoré dans le 1er .
L’averse avait précipité les passants sous les porches et dans les cafés qui bordent la place de l’Opéra. Elle gravissait les dernières marches du métro en regardant le ciel. Un type l’a bousculée en dévalant l’escalier, la tête couverte d’un journal qui déteignait sur le col de sa chemise. A la dernière marche, elle a déployé un parapluie noir et resserré sous son abri bras et jambes qu’une robe d’été ne couvrait pas. La brutalité de l’orage avait vidé les Grands Boulevards. L’eau rebondissait sur le bitume, mouillant ses orteils nus dans leurs escarpins bleus.
Surgissant du boulevard de l’Opéra, un cycliste est passé devant elle, lentement. Sa chemise blanche lui collait au corps. D’un geste machinal il a essuyé la pluie que ses cheveux faisaient couler dans ses yeux. Elle a suivi du regard la silhouette qui slalomait sous le rideau opaque. Un coup de tonnerre a déchiré le silence sur les boulevards déserts. Un petit chien sans collier, sorti du métro, s’est assis à ses pieds. Il pleuvait toujours.
texte Eugénie Rambaud